L'année a été marqué par de nombreux événements auxquels on associe des mots ou des petites phrases qui ont chacun connu leur heure de gloire.
En 2014, le français a connu une belle croissance. Nul risque de déflation, comme l’économie européenne aujourd’hui, nul besoin de TLTRO de la BCE pour dégripper la machine à mots.
Les économistes sont frappés de Pikettymania, les pauvres s’appellent des sans-dents, les fumeurs vapotent, les allergiques à la paperasse souffrent de phobie administrative, les écolos rallient les zadistes, les gastronomes s’adonnent au porn food, les cinéphiles regardent des films en SVOD, les geeks ont la 4G, les banquiers créent leur boutique, les Leaks défraient la chronique, le Djihad 2.0 attire des jeunes gens en rupture, la transition est numérique et énergétique, les entreprises lancent des lab, se mettent au m-commerce et au big data. Et tout le monde crie au ras le bol fiscal.
Si vous avez passé l’année dans un igloo en tête à tête avec un ours polaire, vous n’entendrez goutte à ce galimatias. Car tous ces mots sont nés ou ont prospéré en 2014, une année qui a filé comme la sonde Rosetta en route vers la comète Churyumov.
« Les mots qui nous frappent sont éminemment émotionnels », observe Jeanne Bordeau, fondatrice de l’Institut de la qualité de l’Expression et artiste exposant chaque année des « tableaux de mots », collages mettant en scène les mots les plus utilisés par les médias.
Pour 2014, « chaos » résume l’atmosphère de l’année, selon elle. « L’an dernier, nous étions dans la colère. En 2014, nous ne sommes plus dirigés, les repères ont disparu, nous sommes dans une confusion générale avant la fondation d’un nouveau monde. Les rapports à la famille, au pouvoir, à l’économie sont à réinventer».
Signe de cette mutation, les verbes en « re » - réinventer, rééquilibrer, réformer, revivifier - ont été omniprésents, tandis qu’on martelait le mot « transition ».
Une année "numérique"
« Pour moi 2014 est une année numérique », confirme Guillaume Wallut, fondateur de l’agence Nostromo et des éditions Cent Mille Milliards. « Ce qui était théorique et visionnaire il y a quatre ans rentre dans notre vie quotidienne. L’imprimante 3D n’est plus une tendance mais un marché.
Notre langage s’est d’ailleurs teinté de « californien » : apps, labs.... « La voyelle à la mode est le e , comme dans eleader », complète Jeanne Bordeau. Hérité des réseaux sociaux, le signe de ponctuation dièse s’immisce les écrits, comme une nouvelle manière d’appuyer des propos.
Modelés par le numérique, de nouveaux comportements ont aussi reçu un nom. Le le « phubbing », par exemple. Mélangeant « phone » et « snubbing », ce mot désigne l’art de snober son entourage en continuant à pianoter sur un écran, même en bonne compagnie.
L’engouement pour les séries télévisées a produit le phénomène « spoiler » : tuer le suspense en révélant à l’avance la fin. Le mot vient de l’anglais « to spoil » (gâcher), lui-même emprunté au français « spolier ». Retour à l’envoyeur…
Quant au « porn food », c’est la nouvelle manie consistant à photographier et poster sur les réseaux sociaux le contenu d’une assiette avant même de l’avoir dégusté. Un tic qui exaspère les toques.
Quelle sera la pérennité des mots apparus en 2014 ? Difficile à prédire. Certains s’oublient aussi vite qu’ils ont proliféré. « Qui se souvient aujourd’hui de la vuvuzela ou de la quenelle, ce geste qui rendait tout le monde fou ? », s’amuse Jeanne Bordeau.
Pour éviter les effets de mode, les auteurs de dictionnaires prennent leur temps. Le Larousse intègre ainsi chaque année 150 mots « définitivement ancrés dans notre langage quotidien ».
Le cru 2014 fait entrer des mots issus de l’informatique (viralité), de la francophonie (comme l’adjectif québécois « tripant »), des innovations technologiques (imprimante 3D ou obsolescence programmée), ou encore des nouveaux codes sociétaux (« tuerie », synonyme de délice) et vestimentaires (« stiletto »).
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